Nous sommes dimanche 18 août, je prends le départ de ma première course en solitaire : la MiniTransmanche 2024 depuis Ouistreham, NY (en NormandY, suis)
500 miles en solo réservé aux bateaux d’avant 2009 pour mettre en avant nos valeureux pointus1 !
4 jours et 53 minutes plus tard je coupe la ligne d’arrivée en première position.
Derrière ces chiffres, une recette incroyable à base de convivialité, de SRCO2, d’esprit mini, de Raz Blanchard, d’alarme de réveil, de 25 nœuds, de Wolf Rock, de pointe Sainte-Catherine, de South Pillar, de cargo, d’Anglo-Normande, d’outrigger cassé, de surf, de fatigue, d’hallucinations, de départ au tas, etc …



Les 2 choses qui ont rendu cette course exceptionnelle :
un parcours intense et technique sur le tapis roulant du courant. Une course digne des plus grandes épreuves de Class 40 et Figaro,
des conditions météo bien musclées avec les 2/3 de la course à plus de 20 nœuds et le passage de 4 fronts.
Voici dans le détail ce qui s’est passé :
Dès le départ je profite des qualités de mon mini, le James Caird n°630.2, que j’arrive à bien faire marcher au prés. Je contourne la presqu’île du Cotentin sans me faire prendre dans le passage à niveau du Raz Blanchard. Après je passe une deuxième journée difficile sans pouvoir m’alimenter a cause d’un jolie mal de mer. Puis je tire droit vers Wolf Rock, un phare anglais mythique à contourner a l’ouest de la manche.
A l’entrée dans la nuit je ne fais pas le malin. 25 nœuds établis et clairement je ne me sens pas serein sur les manœuvres après la journée passée. Ce sera un gros point à travailler pour la suite : avancer en étant dégradé !
Dans mon échappée deux bateaux de série me collent aux fesses. C’est bon, ça maintient le rythme ! Ensemble avec Nathan et Loris, on passe Wolf Rock dans des conditions dantesques et magnifiques : 3 m de creux formés par le vent contre courant et un paysage étincelant sous un ciel doré !
Au milieu de ce champ de bosse illuminé, le phare, lui reste impassible et stoïque. Il nous observe tranquillement batailler et doit se demander pourquoi on se donne tant de mal à le contourner.
Je ne fais toujours pas le malin mais je prends confiance sur ma capacité à gérer la situation : j’enroule cette marque en premier. Le moment est grandiose. Je prends le temps de sortir de ma course pour en profiter pleinement. Des vagues déroulent à ses pieds et forment des tubes d’un bleu turquoise. J’ai une chance incroyable de pouvoir vivre de tels instants.
Maintenant cap à l’Est toute ! Je me dis que le plus dur est passé et que je vais accélérer au portant avec le vent dans le dos - erreur - . J’envoie le spi medium et il embarque le bateau dans un départ au tas : le James Caird se met en travers de la route avec ses voiles qui claquent et secouent tout le bateau. J’ai mal à mon carbone. Un dernier claquement me surprend par son bruit : c’est l’outrigger3 qui vient de se casser en deux. Gérer la situation sans stress, temporiser mais très vite réagir pour récupérer le spi qui commence à tomber à l’eau. Je relâche la drisse de spi qui tient le haut de la voile et je finis par réussir à remonter la voile à bord qui s’était étalé sous le vent et derrière moi. Respirer, OK. Le mât n’est pas tombé, ouf. Le tangon ne pourra plus porter les voiles d’avant, je vais faire avec. Respirer encore un peu, l’effort a été intense. Grosse déception.
La fatigue me pèse aussi, je fais la route mais je sens bien que mes poursuivants vont me passer devant. Quel dommage. C’est tout à fait mérité car ils maintiennent un bon rythme et sont au taquet !
Le passage de la pointe Sainte Catherine (Sud de l’Île de Wight) restera lui aussi gravé dans ma mémoire. Des nuages denses font leur apparition. Le vent est bien remonté et le James Caird fait face au courant avec le vent dans le dos cette fois. Le vent contre courant c’est un peu la signature de la Manche. Il faudrait la jouer tactique et se rapprocher de la cote pour être moins impacté par le courant mais je ne sens pas la manœuvre dans ces conditions, peut-être une petite appréhension de tout casser, … de nouveau ! Je la joue safe. Je passe la dernière marque en naviguant le plus propre possible en espérant ne pas me faire rattraper par le second proto.
La traversée de la Manche se fait dans du vent toujours soutenu et j’arrive dans un 4ème front avec une rotation du vent qui m’oblige à remonter au prés pour couper la ligne d’arrivée. L’orga de la course me prend alors en remorque pour me ramener au port et là surprise : j’apprends que je suis premier ! Je n’y crois pas mais mes concurrents en mini de série ont aussi rencontré des difficultés et j’ai réussi à maintenir ma place sans le savoir.
Deuxième surprise , j’entends des applaudissements et des cris depuis la digue de l’avant-port. Ce sont mes parents et ma sœur (ma community manager de choc) qui ont chacun fait plusieurs heures de route pour m’accueillir. Quel joie de partager ce dénouement ensemble.
Une fois à terre le débrief sur la carto nous permet de refaire le match avec le vécu et les émotions de chacun comme pour bien clôturer nos aventures. Je réalise aussi que les conditions étaient bien musclées pour tout le monde.



Je suis fier de ma trace avec tous ses défauts et les bons coups que j’ai joué. Je n’ai cassé qu’une pièce même si j’ai eu bien peur d’y laisser le mât. Je valide mes miles en course (+500) qui me rapprochent de la MiniTransat2025.
J’ai surtout franchi une sacrée étape en solitaire ou j’ai beaucoup appris. Le James Caird a été au rendez-vous.
Je vise maintenant mon prochain objectif. Deux fois plus long, toujours en solitaire mais en autonomie, seul de Ouistreham à Lorient en passant par l’Île de Ré et le sud de Irlande :
La qualif’ hors course de 1000 miles : un rendez-vous intense avec soi-même.
Accrochez-vous !
Et abonnez-vous si vous voulez connaître la suite :
Par opposition aux bateaux plus récents avec une étrave arrondis qui leur donne plus de puissance.
SRCO pour Société des Régates de Caen Ouistreham l’organisateur de la course.
L’outrigger c’est un tube en carbone d’environ 80 cm qui permet de tenir le bout dehors vers l’avant du bateau et d’établir les plus grands voiles du bateau pour aller au portant vent dans le dos : les deux spi et le gennaker.