Debrief de ma première "vraie" course au large sur la Mini-Fastnet
L'expérience du temps long en mer, en double, et toujours sans assistance.
Avant de partager l’intensité de cette course petit flash-back :
Le mois de Mai, c'était pour moi … mitigé et il a fallu faire avec :
un tassement de vertèbre,
un forfait pour celle qui aurait du être ma première course en solo
de belles photos partagés en lot de consolation.
Juin a pour objectif la Mini-Fastnet, rendu possible grâce à une ré-éducation intense au centre de Kerpape. En résumé cette course a été une aventure de folie que je vous détaille ici :
ma première "vraie" course au large (5 jours et 4 nuits en mer )
un embarquement en double avec Albert Marini, objectif : bien vivre à bord
un changement de parcours : la Mini-Fastnet devient Mini-BXA, du nom de la marque que nous contournerons dans le Golf de Gascogne au large de l'estuaire de la gironde. objectif : aller au bon endroit et ne pas taper de caillou.
Nous y sommes.
Dimanche 9 juin,
15h30,
Le départ est donné !
Dès le premier bord notre voile d'avant, le solent, s'ouvre en deux sur 50 cm, aïe ...
Cela ne nous empêche pas de partir et d'envoyer le grand Spi (ou spi max) une fois passé le Raz de Sein mais mets en suspens la suite de notre progression.
A cette allure le spi nous envoie à pleine vitesse dans des surfs grisant que je n'avais jamais vécu auparavant. Un doute subsiste sur l’aspect "raisonnable" de cette config ! Une vilaine figure de style vient lever le doute : on pars au tas et on risque de perdre le Spi qui s’enroule autour de l’étai, le câble qui tient le mat vers l’avant. On passe au spi medium. La première nuit arrive et nous enchainons à la barre des surfs mémorables qui lèvent des gerbes d'écumes avec en prime du plancton bioluminescent qui s’illumine quand on le brasse autour de nous. Ambiance magique !
J'entends alors une vibration étrange. On m'en avait parlé et je ne savais pas réellement à quoi m'attendre “Tu verras quand tu feras chanter la quille ! ” .
Ce vrombissement de la quille, grave, résonne agréablement dans nos oreilles. Je vis un moment hors du temps, le bateau fait des pointes à 15 nœuds (c’est très rapide pour 6,50 m) et tout semble aligné pour donner de la vitesse. Le bateau glisse dans les vagues, s'engage dans des surfs endiablés pour rebondir en accélérant comme par magie.
Le lendemain on réalise que nos choix stratégiques n'ont pas été bons. Nous sommes restés prudent en gardant le spi medium, certains en ont bien profité quand d'autres ont subi de lourdes avaries de bout-dehors (pièce essentielle pour porter le spi) les contraignant à l'abandon.
Albert, mon co-skipper donc, profite du calme pour nous faire une très élégante réparation de notre solent décollé à base de scotch de voile, de greytape et de coutures finement exécutées. Cette réparation haute couture sera une garantie vitale pour la suite.
Lundi soir au passage de BXA, nous voyons avancer sur nous le front avec ses nuages denses.
C'est très beau.
Le ciel est en feu.
Dans cette masse de nuage sombre apparaissent par moments les chauds rayons du soleil couchant.
La mer est belle et nous repartons vers la prochaine marque sous gennaker. Le bateau a cette capacité à partir au surf qui est bluffante. Je ne m'attendais pas à vivre de telles sensations mais ce bateau est magique. Voyez par vous-même :
Le moment est tout de même très particulier : nous sommes une flotte de plusieurs dizaines de bateau à naviguer vers une marque fictive, un simple point GPS au milieu de rien, pas de terre en vue. Au beau milieu de ce rien nous courrons tous le plus vite possible vers un même objectif, alignés sur le même bord à surveiller les vitesses les uns les autres.
Après le contournement de cette marque nous attendent deux jours de remontée au prés vers l'archipel des Glénans. Nous choisissons la route la plus directe en suivant les oscillations du vent. C’est un vrai challenge de choisir sa route et sa stratégie. Nous confrontons nos prévisions météo vieilles d’il y a déjà deux jours avec nos observations. Cette route à l’opposé des prévisions s’avérera payante pour nous.
Le 630.2 marche terriblement au près. La réparation de la voile d’avant essentielle à cette allure tient bon.
La mer nous offre de vivre des moments hors du temps : ciels étoilés, brillants comme des diamants et rencontres avec les dauphins. C’est une sensation étrange de se sentir si minuscule et vulnérable. Sur ce bateau de 6,50 m, un plouf dans l’eau représente la fin. Nous sommes en permanence attachés au bateau par notre longe et dans ce bleu à 360° autour de nous, nous sentons bien que nous sommes petit.
Après avoir passé la marque des Glénans nous subissons une pétole déconcertante à reculer à cause du courant. Le vent revient et nous entrons dans la baie d’Audierne sous gennak, illuminés par l’aurore et ses tonalités de jaune et d’orange incroyable. Nous faisons route vers la chaussée de Sein, ce chapelet de caillou qui se prolonge depuis l’île de Sein vers l'Ouest.
Le vent bien installé, continue de monter. Albert s’éclate à la barre et fait preuve d’un engagement complet. Pour sa première course en mini on peut dire qu’il ne s’est pas trompé ! Les cloques aux mains qu’il en rapportera en sont une preuve douloureuse.
Nous contournons la marque et le vent monte encore.
2 ris dans la GV, la pluie nous fouette le visage à moins que ce ne soient les embruns levés par le bateau ?
La mer est belle et forte dans ces 25 nœuds établis avec des moutons de toute part et ses creux serrés.
Nous sentons l’arrivée se rapprocher et nous restons déterminés à ne pas nous laisser rattraper par nos plus proches concurrents qui nous talonnent. Après la dernière marque nous abattons dans des surfs insolents ! Le bateau grimpe sur sa quille basculée au vent et nous offre des surfs inédits en s’appuyant sur la tranche et la quille. Cela semble sans fin, c’en est totalement grisant.
Sur le final nous réussissons à maintenir l’écart devant le 551 qui revenait très fort et nous couperons la ligne en 15ème position.
Après jury nous sommes reclassés 13ème sur 32 partants et 26 arrivés. C’est une sacrée remontada quand on sait que nous passions la marque BXA en 25ème position. Penser à prendre de meilleurs départs pour les prochaines. Le classement est secondaire mais il reste très encourageant et le message que j’en tire c’est qu’on fait une jolie place en faisant autant d’erreurs !
Cette belle aventure partagée avec Albert a permis de valider plusieurs points majeurs :
bien vivre à bord, dormir, manger, se laver => OK !
savoir où je suis et ou je vais => OK !
et plus que tout le plaisir de naviguer avec de telles sensations sur la mer jolie.
La suite c’est pour cet été en Manche, la même distance mais en solo, une étape en plus avec l’envie féroce de bien me préparer.
Accrochez-vous !